Le 30 avril 2025, l’artiste indépendant américain Russ a lancé une salve de critiques sur X (anciennement Twitter), remettant en cause l’affichage public des statistiques de streaming sur Spotify. Il appelle la plateforme à supprimer les chiffres visibles des écoutes et des auditeurs mensuels, qu’il juge sources de pression, de comparaison toxique et de triche. Son message soulève une question essentielle : et si cacher ces métriques permettait de recentrer l’attention sur la musique plutôt que sur les chiffres ?
Des métriques trompeuses et toxiques
Selon Russ, les “auditeurs mensuels” sont une métrique biaisée, comparable à des “impressions publicitaires”. Un auditeur est comptabilisé dès que 30 secondes d’un morceau sont écoutées, même s’il ne connaît pas l’artiste ou saute la chanson immédiatement. Cette mesure crée une illusion de popularité, souvent exploitée pour juger de la valeur d’un artiste, au lieu de refléter une réelle fanbase.
Plus encore, l’affichage public de ces données alimente une compétition malsaine. Les artistes se comparent, les maisons de disques misent sur des chiffres artificiels, et la musique devient un “sport” où l’on mesure le succès à coups de millions de streams. Russ rappelle que Spotify a déjà dû supprimer plus d’un million de morceaux pour fraude au streaming — une preuve que la chasse aux chiffres pousse certains à tricher pour exister.
Apple Music comme modèle alternatif
Russ cite Apple Music en exemple : là-bas, pas de statistiques publiques, donc pas de débat autour de la légitimité des streams. Résultat ? Moins de pression, moins de comparaison, et un focus plus pur sur le contenu musical. Pour lui, Spotify devrait s’en inspirer pour restaurer un rapport plus sain entre artistes, plateformes et public.
Une pression amplifiée par les réseaux sociaux
L’exposition des statistiques Spotify sur les réseaux sociaux (TikTok, X, Instagram) transforme chaque sortie musicale en enjeu public. La moindre baisse de chiffres devient un sujet de moquerie ou d’analyse. Russ déplore cette culture du “toujours plus” qui pousse à la surperformance et alimente l’anxiété des artistes, surtout chez les jeunes talents.
À qui profitent vraiment ces chiffres ?
Si Spotify maintient ces statistiques visibles, c’est aussi pour booster l’engagement. Wrapped, classements, playlists : tout est conçu pour susciter l’interaction autour des chiffres. Une stratégie qui rapporte gros — plus de 3,6 milliards d’euros générés en 2024 — mais dont les retombées sont inéquitables. Les artistes perçoivent moins d’un centime par stream, pendant que les plateformes capitalisent sur leur visibilité.
Recentrer le débat sur l’art
Pour Russ, cacher les chiffres publics permettrait de redonner du pouvoir aux artistes. Fini le stress de “flopper” aux yeux de tous. Place à la création, à l’authenticité, à la connexion directe avec les fans via les concerts, les réseaux ou les projets indépendants. Cela remettrait aussi en cause le monopole des majors, qui profitent d’un système biaisé.
En conclusion
Russ met le doigt sur une réalité dérangeante : les chiffres visibles façonnent la perception du succès au détriment de l’artistique. En appelant Spotify à les retirer, il ouvre la voie à un débat nécessaire sur la santé mentale des artistes, la transparence des plateformes, et la nature même de ce qu’on appelle “réussir” dans la musique. Une prise de position courageuse, qui pourrait bien inspirer une nouvelle ère du streaming, plus juste et plus humaine.